Tout est dans le titre ou presque ! Escalade hivernale sur la flèche élancée qu’est l’aiguille du Moine, celle qui domine la vallée de Chaudefour. Nous avons les conditions climatiques
idéales : soleil, absence de vent, températures clémentes mais reste à découvrir ce qui nous attend au contact du rocher. C’est ce qui dictera la difficulté de l’entreprise…
Départ pas trop matinal (9h00), rien ne sert de courir, attendons que le soleil chauffe un peu le rocher. La trace est bien marquée jusqu’à la forêt. C’est agréable car nous avons bien un peu les
mollets tannés des petites goulottes d’hier (cf. article goulotte Etienne et goulotte Raie des fesses). Nous observons notre objectif et on voit que la neige est encore bien présente sur le
rocher, il faut aller voir ça de plus près car nous voulons escalader l’arête Ouest, la voie la plus courte pour rejoindre le sommet.
L’imposante Aiguille
du Moine sous le Puy Ferrand
Nous remontons le couloir à droite du Moine, contournons l’aiguille par la gauche et remontons jusqu’au pied de l’arête Ouest. Il est presque 11h, nous sommes équipés, prêts pour l’escalade. Théo
y va, pose les mains et les pieds sur le rocher et crie « merde ça passera pas », le rocher est gelé, impossible de s’y tenir dessus, la voie au-dessus semble également difficilement
praticable. On est forcé à faire demi-tour, en plus, l’équipement est sommaire, juste quelques pitons en place d’après Théo.
L’arête W de
l’aiguille du Moine, bien gelée, les dalles comme les fissures
Nous avons aperçus des pitons sur la face sud en montant tout à l’heure, ça semble la seule solution pour escalader l’aiguille car cette face est bien sûr plus ensoleillée donc forcément plus
sèche. Deux minutes de réflexion : nous savons qu’il existe une voie de ce côté mais on ne connaît ni l’itinéraire, ni la difficulté. A vu d’œil, ça devrait pouvoir le faire. C’est décidé,
on y va.
Les 20 premiers
mètres de la face sud
Nous creusons une terrasse dans la neige, vérifions le matériel : des pitons, un marteau, un jeu de trois coinceurs, des sangles de 120cm, un jeu de dégaines et du courage ça peut servir.
Théo met les chaussons, c’est partit, il clippe le premier piton puis le second et me regarde : « ça ne va pas être de la limonade ! ». Les prises d’adhérence pour les
pieds : à oublier, les bonnes prises sont humides, les petites plateformes en neige ou glace et la neige qui fond ruisselle sur le rocher. Ambiance ambiance. Il continue de grimper, puis se
retrouve presque dix mètres au-dessus du 2ème piton, c’est là qu’il vaut mieux ne pas trop réfléchir. Et hop c’est parti : premier pitonnage car l’escalade devient plus
dure : tic tic tic, la protection est mise en place, l’escalade continue doucement, moi je me fais parpiner de neige, de glace, d’eau en bas. Il installe une sangle autour d’un rocher pour
protéger des pas délicats. Ça n’a pas l’air si facile (5c ?) ! Il retrouve un piton et continue sur plus de 10m et fait un relai sur deux coinceurs, le tirage commençait à rendre plus
délicat l’escalade.
A mon tour d’y aller (je mets les grosses dans le sac au cas où), je comprends tout de suite la complexité de l’affaire, les chaussons toujours trempes, adhérence limitée, prises humides, tout ce
qui est plat est recouvert de neige : l’escalade est plus difficile que je le pensais surtout dans ces conditions. Cependant le rocher n’est pas froid.
Oliver dans la face
sud du Moine : l’escalade hivernale voilà ce que ça donne !
Je rejoins Théo. Première longueur : 35m avec un relai sur une petite plate-forme qui t’humidifies bien les pieds. Théo repart en allant sur la gauche pour contourner la dalle trop raide
au-dessus de nous.
C’est parti pour la
deuxième longueur
Il retrouve un piton, pas délicat, un second piton puis plus rien sur 10m. Il me gueule : « Laisses moi bien du mou, je vais traverser l’autre face (face sud-ouest), ya une vire étroite
mais aucune protection, juste un piton au départ ». Ok, je vais faire au mieux. 5 minutes après : « RELAI VACHE ». Je me lance alors dans l’escalade, pas évident (ça doit bien
être du 5), tout est mouillé, faut vraiment être concentré, puis j’arrive à la vire, étroite à souhait. « Put…, tout de même ». Presque dix mètres de long, heureusement qu’il y a des
prises de main correctes et que la vire est sèche. Ce passage est exposé, chute interdite ! Je rejoins Théo et comprends l’affaire : il vient d’installer un relai sur pitons pour
m’assurer, il ne pouvait pas continuer car il y avait trop de tirage. On vient de retrouver l’arête Ouest bien enneigée. Je m’installe plus loin en équilibre sur un relai existant enfoui dans la
glace.
L’arête Ouest
impraticable
Olivier au relai sur l’arête Ouest avant la dernière longueur de l’aiguille du Moine
C’est parti pour la dernière longueur. Théo installe un piton avant la petite dalle, taille des marches dans la dalle recouverte de neige puis escalade le dièdre de sortie (4m) en artificiel sur
piton, étrier et coinceur car la fissure est gelée est les appuis de pied impossibles sur les deux côtés du dièdre. Relai vaché.
Installation d’un
piton, le marteau nous aura bien servi
A mon tour, j’enlève le piton, continu jusqu’au pied du dièdre et l’escalade en artif.
Olivier dépitonne
avant la dalle en neige
Le dièdre de sortie
franchit en artif, seule solution ce jour-là
Nous sommes tous les deux au sommet, quelle ambiance ! Nous restons contempler le paysage depuis ce belvédère qui nous aura valu une sérieuse escalade pour le gravir. Nous avons mis 3
heures !
La vallée de
Chaudefour
On tire un rappel (40m) sur la face sud-ouest, l’occasion de revoir plus tranquillement la vire de traversée (L2).
Le
rappel
On rejoint la terrasse de départ, on met les grosses et les crampons et retour au buron de Chaudefour.
On était
là-haut
Le Sancy peut réserver de belles aventures, et une hivernale à l’Aiguille du Moine est à classer dans cette catégorie. L’ascension par la face sud puis ouest peut être cotée D (Difficile) bien
que l’ampleur de la course est limitée. Cependant, les conditions hivernales compliquent très nettement l’escalade et augmentent l’engagement car la voie est seulement bornée par quelques pitons.
Prévoir coinceurs mécaniques et pitons pour une hivernale. Quoi qu’il en soit, l’itinéraire est intéressant et mérite le détour. L’expérience acquise dans les Ecrins nous aura bien servie ce
jour-là.
Après coup nous avons consulté un ancien bout de topo : la voie dite « voie normale » est millésimée 1937 par Aspert et Belin ! Difficulté technique : L1 : V puis
III, L2 : IV puis III (vire), L3 : V-. Autant dire que les cotations sont un peu sèches, plutôt 5c à mon avis de nos jours (sur pitons uniquement).
Olivier et Théo